High-Tech, Low-Tech, question de style ou question d’argent?

une vielle machine à écrire, bonne pour le musée

19 Novembre 2019, je suis à la conférence GOTO de Copenhague. Les participants, tous férus d’ordinateurs, d’informatique, et de technique en général (on les appelle les « techies ») sont électrisés par les nouveautés du monde de la « Tech » et du software. Les annonces faites dans chaque domaine sont plus excitantes les unes que les autres.

Et à cette conférence, il y a aussi d’intéressants retours en arrière. Steve Wosniak, co-fondateur d’Apple raconte ses souvenirs et comment il tentait de construire un micro-ordinateur avec des composants de 1 dollar. Tout devait être « cheap », pas cher, parce qu’il n’avait pas les moyens de se payer les « gros » composants. Les ordinateurs étaient réservés à l’époque (dans les années 70) à une élite d’universités et de grosses entreprises. Et c’est ainsi qu’une architecture innovante, flexible, et surtout bon marché naquit, permettant de mettre un ordinateur dans chaque foyer. Pourquoi a-t-il voulu faire ça au lieu de se satisfaire de son emploi chez Hewlett-Packard, l’employeur de ses rêves? Voulait-il devenir riche et célèbre comme son associé Steve Jobs? Non. Son rêve était de créer l’ordinateur qui lui permettrait de s’amuser, de faire toutes sortes de jeux. Et Steve Wosniak de raconter à son audience que pour commencer une startup, il vaut mieux commencer avec des choses qui ne coûtent rien, ou très peu : « 0$ », et ne jamais oublier le « fun ». Y aurait-il là une recette? Est-ce que derrière la high-tech, il n’y aurait pas au départ de la low-tech ou encore de la cheap-tech?

Cherchons à définir les termes. « High-tech » est un anglicisme désignant tout ce qui tourne autour des nouvelles technologies. En principe, c’est ce qui est moderne, innovant, encore relativement inaccessible, parfois aussi cher, mais pas forcément. Ce sont des objets basés sur des techniques qui ont coûté d’importants efforts avant d’être développés. Beaucoup d’ingénieurs, d’informaticiens, et d’autre amateurs sont en permanence fascinés pas la high-tech. Mais, sincèrement, sont-ils fascinés par cette technique en elle-même, ou bien par la débauche d’argent et de moyens nécessaires pour la mettre en œuvre? La high-tech, c’est aussi la recherche d’un certain style de vie, plus rapide, plus performant.

Par opposition, on a défini la low-tech. Pourquoi? La high-tech est perçue comme source croissante de discriminations et d’inégalités basées sur l’accès aux technologies. Les causes peuvent être diverses: financières, liées aux connaissances, aux savoir-faire, ou alors à la culture ou aux modes de vie. On voit dans la high-tech une course sans fin menaçant gravement notre environnement (consommation de ressources, risques pour la santé, etc.) et nous-mêmes par la même occasion. Philippe Bihouix a tenté avec succès de définir les contours de la low-tech, et ses avantages pour la planète. Dans sa pensée, il s’agit tout autant d’un changement de mode de vie et consommation (« technologies sobres, durables, résilientes »). La low-tech, comme refus du « toujours plus », symbolise le retour à une meilleure gestion de nos ressources, à un mode de vie plus sain et plus équilibré.

Les tenants de la high-tech voient bien sûr dans la low-tech un retour en arrière inacceptable. Ils ne renonceront ni aux joujoux techniques présents, ni aux nouveautés trépidantes à venir. Ce sont eux qui parle de manière caricaturale du retour à l’âge des cavernes, quand on parle de low-tech. Et donc si l’on simplifie à l’extrême : la high tech c’est cher et intelligent ; la low-tech c’est simple et bon marché.

La croissance de la demande en énergie, de la demande en matières premières que nous vivons actuellement est intenable, mais de mon côté je pense que des produits high-tech peuvent répondre a certaines nécessités ; par exemple des produits 100% compostables, ou permettant de faire des économies substantielles de matières premières. Si un four à bois, c’est de la low-tech et un four solaire c’est de la high-tech, lequel des deux est meilleur pour l’environnement? Les produits low-tech ont la plupart du temps un rendement moins bon. Par contre ces produits sont dans une démarche responsable, où l’on se pose la question : comment faire plus avec moins (ce qui pousse aussi à faire des innovations).

Le constructeur chinois d’éoliennes Envision a annoncé le premier essai en grandeur nature d’un aérogénérateur utilisant des supraconducteurs. Les perspectives sont très prometteuses, puisqu’on pourrait ainsi économiser la moitié des matières nécessaires (en particulier les terres rares) à fabriquer un générateur électrique. Là, l’avantage est à la high-tech… Mais comme le dit Philippe Bihouix, la low-tech garde cependant un avantage indéniable : son accessibilité ; la possibilité de faire soi-même, de réparer soi-même sans être dépendant d’usines à haute technicité ou de fabricants hyper-spécialisés. En fin de compte, tout dépend des outils que nous aurons. Une imprimante 3D (High-Tech) pourrait aider à fabriquer un outil de jardinage (Low-Tech).

Troisième exemple : la société Sigfox. Cette start-up toulousaine a levé des fonds importants pour créer un réseau mondial d’objets connectés, basés sur des composants très peu chers. La connexion coûte entre 1 et 10€ par an. C’est le contre-pied total du 5G qui est extrêmement complexe, énergivore, et dont les retombées sur la santé ne sont pas connues. Et c’est un succès!

Il n’y a qu’un seul monde, celui de la « Tech », diront certains. Les informaticiens de la conférence GOTO de Copenhague aiment aussi jouer aux LEGO… La question est tout simplement : une nouvelle technologie est-elle vraiment meilleure, apporte-elle vraiment un plus par rapport au statu quo? La high-tech est innovante et souhaitable quand elle permet de surmonter une difficulté qui paraissait insurmontable jusqu’alors, et offre ainsi de nouveaux horizons, qu’ils soient socio-économiques ou environnementaux. Attention aux effets à long terme, qui sont en général largement ignorés. La low-tech est de son côté utile quand elle permet de se débarrasser d’une technique finalement complexe, chère, déshumanisante, discriminatrice, qui n’a pas tenue ses promesses, et ne les tiendra pas sur le long, voire très long terme. (L’énergie nucléaire tombe-t-elle dans cette catégorie?) La low-tech vaut par ce qu’elle permet de supprimer, de remplacer, de simplifier. La high-tech vaut par les outils tellement utiles qu’elle nous donne pour résoudre certains problèmes criants. Les problèmes de la high-tech, c’est en premier lieu son accessibilité, son côté discriminatoire, et en deuxième lieu, l’impossibilité que nous avons d’évaluer ses effets sur le long terme.

Les colons de Mars seront-ils écolos?

On parle beaucoup de la colonisation de Mars. La NASA a des plans. Elon Musk, le fulminant chef de Tesla et SpaceX en a fait son objectif ultime, puisque pour lui, et pour de nombreux autres, la colonisation de Mars, c’est tout simplement l’étape suivante de l’évolution de l’Homme.

Mais vivre sur Mars sera extrêmement difficile. Il faudra faire des trouvailles, s’adapter, s’accommoder de nombreuses contraintes humaines et techniques. Un petit avant-goût en est donné par les conditions de vie sur les bases scientifiques en Antarctique (Dumont d’Urville, Concordia), qu’on peut extrapoler avec un environnement sur Mars encore bien plus hostile: pas d’eau, pas d’oxygène, et bien sûr le rayonnement cosmique, puisque Mars n’est pas protégée par un champ magnétique.

Image illustrative de l’article Base antarctique Concordia
La base franco-italienne Concordia, construite en 2005

Vivre sur Mars sera possible pour ceux qui sauront résoudre de sérieux problèmes matériels, avec un nombre de moyens réduits, et en ne comptant que sur eux-mêmes. La poignée d’êtres humains qui s’établira là-bas, ne pourra pas se reposer sur une industrie prolifique, une foule de ressources, ou une aide scientifique et technique à portée de main. Ils bénéficieront par contre d’un support à distance conséquent, puisque de nombreux ingénieurs et scientifiques sur Terre pourront les aider à résoudre leurs problèmes.

1) Les Martiens utiliseront des énergies renouvelables

Les Martiens auront besoin d’énergie pour se chauffer, produire de l’eau, de l’air respirable, de la lumière, se déplacer et communiquer. Beaucoup d’énergie sera utilisée pour la production d’aliments. Du fait du coût « astronomique » de tout transport, impossible d’envoyer du carburant sur Mars. L’utilisation de l’énergie solaire semble être la bonne solution, car les composants nécessaires, telles que cellules solaires, convertisseurs électriques et batteries sont simples et peuvent être réparés sur place (verre, cuivre, lithium et silicium peuvent être manipulés et recyclés à petite échelle). Les besoins en énergie seront très important, en particulier pour le chauffage. L’énergie nucléaire? Mon opinion (qui n’est pas celle d’autre blogueurs sur la conquête de Mars) est que la maintenance d’une centrale sur Mars sera bien trop compliquée et trop risquée pour une petite colonie martienne devant vivre en autarcie. Une pile atomique ramenée de Terre, comme il y en a dans certains satellites, ne sera pas suffisante pour subvenir aux besoins des colons, sauf en cas d’urgence peut-être (les tempêtes de sable peuvent durer plusieurs mois).

2) Les Martiens devront produire leur nourriture localement

La nourriture sera locale, ou ne sera pas. Les ravitaillements seront dédiés à transporter des personnes, des pièces détachées, des produits pharmaceutiques, ou des machines complexes. Tout au plus, ce seront des graines qui seront transportées. La nourriture de base sera produite dans des serres, que les martiens passeront le plus clair de leur temps à entretenir. D’après moi, il y aura peu ou pas de monocultures isolées, car les risques qu’un parasite ou un champignon ravageur détruise tout seraient bien trop grand. Les espèces résistent mieux quand il y a une diversité de plantations. Manger de la viande? En raison du rendement faible de la production de viande, et de l’extrême limitation de l’espace disponible, cela restera sans doute un rêve. Les Martiens seront végétariens.

3) Les Martiens devront savoir tout construire et tout recycler

Du fait de la nécessité de construire soi-même son habitat, de produire soi-même son énergie et sa nourriture, une grande attention sera portée au savoir-faire technique. Toutes les pièces, équipements, morceaux d’habitations devront être fait de telle manière qu’ils puissent être produits, recyclés ou réparés sur place. Ce sera là peut-être la partie la plus intéressante de la future colonisation. Les martiens développeront des techniques de constructions modulaires, utiliseront des imprimantes 3D, des robots multifonctions capables de produire n’importe quel composant. Cela ira du très petit (composants d’ordinateurs), jusqu’à des pièces de plusieurs tonnes (morceaux de murs pour faire des habitations, parties de véhicules). En attendant de trouver des sources de minerai et de les exploiter, les martiens devront aussi recycler 100% des composants, métaux, minéraux, plastiques venant de la Terre, condition nécessaire pour pouvoir construire de nouveaux éléments. La livraison de matières premières provenant de la Terre étant extrêmement coûteuses, cela permettra aux colonies de se développer. Une compétition sur le futur habitat sur Mars a été lancée par la NASA, basée sur le principe d’imprimantes 3D utilisant des matériaux locaux.

Team SEArch+/Apis Cor
Equipe SEArch+/Apis Cor ayant gagné le 3D-Printed Habitat Challenge de la NASA

4) Les Martiens sauront se soigner eux-mêmes et seront des êtres sociables

Le rayonnement cosmique arrive sur Mars sans être filtré par aucun champ magnétique, ni aucune atmosphère. La mort est assurée en peu de temps si le corps n’est pas capable de régénérer ses cellules abîmées. Les Martiens devront trouver des moyens de se soigner eux-mêmes, et surtout de prévenir les maux avant qu’ils deviennent trop graves. La prévention jouera un grand rôle. Ne pas voir un cancer venir, sera une chose qu’ils ne pourront pas se permettre.

Et dans une vie en vase clos, pendant des mois et des mois, la promiscuité provoquera du stress. Il y aura peu de place et il faudra sans cesse s’accommoder des autres, sans jamais pouvoir s’isoler longtemps. Il faudra compenser les problèmes psychologiques par beaucoup d’entraide et de compréhension. Sachant qu’aucun ne peut survivre sans les autres, les Martiens auront un instinct de communauté très développé.

5) Les Martiens devront savoir faire face aux imprévus.

L’atmosphère de Mars est hostile. Les Martiens devront s’habituer a vivre avec des dangers permanents, et disposer de moyens de secours. Survivre, ce sera être capable de réagir aux imprévus : avec des équipes pluridisciplinaires, flexibles, parfaitement intégrées, optimistes, capables de se remettre en question et de développer de nouvelles techniques très rapidement.

En conclusion

Beaucoup les savent déjà, d’autres feignent de l’ignorer. Nous devrons nous accommoder un jour ou l’autre avec le fait que les ressources de la planète sont limitées. Mais alors que Terriens se laissent le temps, les Martiens, eux, n’en auront pas. Ils devront créer eux-même les conditions de leur survie. Les savoirs-faire que les Martiens développeront en temps record seront utiles à la Terre. Savoir gérer sa santé soi-même, savoir réparer son ordinateur, ou même en construire un nouveau. Et construire sa maison en recyclant ou utilisant les matériaux environnants n’est-il pas une belle idée? Cela existait bel et bien autrefois.

fabrication de briques de terre

On peut bien sûr aussi douter de l’utilité de la colonisation de Mars. La planète restera très très hostile à la vie. Ses habitants devront le plupart du temps vivre sous terre, ou enfermés dans des habitations étanches. A quoi bon aller sur Mars, sachant que, ici aussi on peut vivre sous terre!

D’autres liens :

  • liste des objets abandonnés sur la Lune (180 tonnes!)
  • video d’un concept de l’habitat sur Mars (HASELL + EOC)
  • un blog sur la planète Mars

Ce que Google, Facebook & Co préparent, et comment on y fera face

Avouons, malgré les doutes sur le respect de la vie privée, nous avons tous un compte chez Google, Facebook, Instagram, etc.. C’est simplement trop pratique. Outre leur taille, ces géants de l’Internet ont un modèle économique en commun : ils offrent des services gratuits, grâce auxquels ils accumulent des informations sur leurs utilisateurs, et gagnent beaucoup d’argent avec une publicité bien plus précise et efficace qu’autrefois.  Il s’agit du lucratif marché de la publicité ciblée, d’un marché qui connecte des vendeurs de biens aux acheteurs les plus probables, et qui est avant tout contrôlé par les vendeurs, puisque ce sont eux qui financent le système.

Quel est le but des géants de l’Internet?  Maximiser l’efficacité de la publicité, car plus un utilisateur voyant une publicité passe à l’action (en achetant), plus cher l’espace publicitaire peut être vendu.  Il s’agit donc d’aller au-devant de nos besoins, peut-être même avant que nous en soyons conscients. Mais comment Google, Facebook & Co peuvent-ils savoir, avant même que nous ne sachions? En créant des modèles. Voici un exemple : dans le domaine des machines industrielles, on essaie depuis longtemps de prévoir comment les machines s’usent, quelles sont les pannes à venir. La maintenance prédictive se développe grâce à des modèles qui sont soit des modèles physiques de la machine, soit des modèles qui sont créés en accumulant et en analysant des données, ce qui créé de la connaissance sur les points faibles, les facteurs de risques, les pannes les plus probables. L’analyse des données, grâce aux modèles, permet de prévoir une panne, avant même que des symptômes avants-coureurs soient détectables.  L’accumulation massive de données, couplée aux modèles physiques, ou/et à de l’intelligence artificielle permet de nos jours des prédictions extrêmement précises.

Ce qui fait dans le domaine des machines existe sans doute déjà aussi dans les domaines psychologiques, sociologiques et comportementaux, qui sont eux-mêmes régis par des lois qui ont été décrites. On peut sans doute prévoir le comportement d’un personne en l’ayant suffisamment observée, en ayant suffisamment observé son milieu et comment elle inter-agit avec lui.  Même si chacun de nous pense être libre, nous sommes en fait terriblement prévisibles. L’endroit où vous irez ce soir? La musique que vous aller écouter tout à l’heure? Le repas que vous aller manger demain? Il y a bien peu de surprises.  99% de ce que nous faisons est prévisible, et peut être prévu, si on se donne la peine de chercher quels paramètres vont influer sur telle ou telle décision. Il y a fort à parier que Google, Facebook & Co ont des modèles de tous leurs utilisateurs,  et qu’ils travaillent d’arrache-pied à les améliorer.  Il y a donc quelque part dans un data center, un modèle portant notre nom, avec des données (et qui sait, un bot, une intelligence artificielle) et celui-ci s’améliore jour après jour. La puissance de calcul, la quantité de données ne sont plus une limitation. Une intelligence artificielle peut comparer ce que nous avons fait aujourd’hui à ce qui était prévu, et apprendre, apprendre, apprendre… Elle saura un jour mieux que nous ce dont nous avons envie. Et ce modèle, cet avatar pourrait être en fait très utile ; il pourrait faire des choses à notre place, nous rendre des services, car il sait ce dont nous avons envie mieux que personne. Ce serait l’assistant personnel idéal. D’ici à quelques années, les premiers assistants personnels ne tarderont pas à nous être offerts par Google, Facebook & Co.

Le problème dans tout cela, c’est qu’on peut décider de ne pas en rester juste au niveau de la prédiction, et du service. La limite entre conseil et influence n’est pas toujours très nette. N’oublions pas nos vendeurs de biens, qui financent tout ce système. Ceux-ci veulent vendre, vendre de préférence toujours plus, et avoir la certitude sur le long terme que leurs produits seront achetés. Et si Google, Facebook & Co leur garantissaient cela? Comment? Imaginons un data center contenant un milliard de modèles, c’est à dire un milliard d’avatars électroniques, parfaitement représentatifs et synchronisés avec un milliard d’individus réels.  On pourra par exemple dire, en interrogeant ces avatars, quel individus boivent de l’eau du robinet, quels sont ceux qui boivent de l’eau minérale, et quels sont ceux qui boivent du Coca-Cola. Et si maintenant la société Coca-Cola demandait à Google, Facebook & Co de faire quelque chose pour augmenter « un petit peu » sa part de marché? Rien de plus facile. L’armée d’avatars électroniques pourrait recevoir une nouvelle information, sur les effets bénéfiques du Coca-Cola sur la durée de vie. Cela  ne serait pas synchronisé avec une information du monde « réel », cela se passerait dans le data center fermé, et personne en-dehors de Google, Facebook & Co n’en saurait rien. Nos avatars se mettraient donc à commander un peu plus de Coca-Cola, et les individus réels, confiants, habitués à ce que les avatars soient parfaitement au courant de leurs besoins,  se diraient, « tient, il y a une nouvelle tendance, cela doit être sûrement justifié puisque tout le monde le fait ». En fait tout le monde boirait plus de Coca-Cola, sans que personne ne puisse dire pourquoi.

Il en va donc de la confiance.  On sait depuis longtemps que le moteur de recherche de Google n’est pas indépendant, car il favorise délibérément les services offert par Google. Le plus de confiance sera donnée à Google, Facebook & Co, le plus il y aura de risques qu’ils en abusent, car leur modèle économique les pousse à vouloir satisfaire les annonceurs. Pourtant, in fine, ce sont les consommateurs qui paient pour la publicité, au travers du prix des biens qu’ils achètent. Alors que faire? Quand les assistants électroniques viendront, il faudra s’assurer de leur indépendance ; ne jamais suivre les conseils d’un assistant gratuit. Le mieux sera d’utiliser un assistant crée par une organisation non engagée sur le marché de la publicité, ce sera un gage d’indépendance, et de transparence sur les information que cet assistant reçoit.

Pour ceux qui ont du mal à y croire, ou qui aimeraient en savoir plus, Jaron Lanier, un personnage très en vue de de la Silicon Valley vient de publier une livre sur le sujet :  « dix arguments pour effacer votre comptes chez les media sociaux » : Je ne l’ai pas lu, mais j’imagine très bien ce qu’il peut contenir. Sans doute une description de la marche irrépressible de Facebook et Google vers leur seul et unique but:  la création d’un empire de contrôle du consommateur.  C’est leur façon de faire du business, c’est ainsi, et avec les technologies actuelles, ils peuvent y arriver.

On pourrait désespérer, ou alors… On pourrait aussi imaginer quelque chose de complètement différent : inverser la situation, inverser le sens du commerce en passant d’un marché influencé par l’offre, à un marché influencé par la demande. Notre armée d’avatars (qui sait tout sur nos aspirations) pourrait être en permanence à la recherche d’un certain nombre de produits, et passer des appels d’offres (des « commandes groupées ») chez des fournisseurs les plus adéquats. Chaque fournisseur ou producteur d’un bien pourrait recevoir une liste de demandes, et pourrait décider d’y répondre, ou non, de la même manière qu’un consommateur exposé chaque jour à une pléthore d’annonces publicitaires doit sans arrêt prendre des décisions.  Ce modèle de marché n’est pas vraiment possible à l’heure actuelle, en raison de la centralisation de la production. Mais dans un monde où la production serait plus individuelle, plus flexible, pourquoi pas?

 

Le scientifique et le pouvoir

L’alliance de la science et du pouvoir. Une thème ancien. Au 17ième siècle, Swift, dans son voyage de Gulliver, décrivait une société utopique, où des savants avaient bâti une ville flottante : Laputa, ce qui veut dire « la pute », en espagnol.  Se déplaçant librement dans les airs, planant au -dessus des villages, elle les menace d’être bombardés s’ils ne payent pas l’impôt.  Swift illustrait par là le fait que des savants se prostituaient, en  mettant au service du pouvoir les moyens d’asservir la population.

Autre exemple, cette fois réel : l’histoire de Wernher von Braun, le père de la fusée Saturn V qui alla jusqu’à la Lune.  Originaire de la noblesse prussienne, fort des valeurs morales de son milieu,  il avait tout pour devenir un ingénieur modèle. Après ses études, passionné par l’idée de construire une fusée pour aller dans l’espace, il n’hésite pas à travailler d’abord avec l’armée allemande, et ensuite à continuer sa collaboration avec les nazis. Il reçu son titre de professeur des mains d’Adolf Hitler en personne.  Il tenta à un moment de s’échapper, à la fin de la guerre, mais c’était plus par intérêt personnel que pour faire cesser le programme des fusées V2, qui ne furent jamais utilisées pour autre chose que de terroriser la population britannique (leur imprécision les rendait inutiles du point de vue tactique). Wernher von Braun n’était pas membre du parti nazi, et on ne lui reprocha jamais rien ; il avait simplement fait ce que des milliers d’autres ingénieurs de l’armement font chaque jour : travailler pour leur entreprise, pour leur pays. Sa collaboration avec les américains leur donna une longueur d’avance dans le domaine des missiles  intercontinentaux, ce qui, en pleine guerre froide, était un avantage certain.

Les exemples historiques nous amènent à voir divers types de liens entre le scientifique (ou l’ingénieur) et le pouvoir.

  • Dans le cas de von Braun, on pourrait parler de pragmatisme : « la fin justifie les moyens ». La collusion avec le pouvoir est vue comme tout à fait acceptable, puisqu’elle permet d’atteindre un but (construire des fusées pour aller explorer l’espace), et par la même occasion de satisfaire certaines idées politiques (endiguer le communisme)
  • Plus extrême : le « savant-fou ». C’est le solitaire près à tout sacrifier pour réaliser son but.  C’est un idéaliste ayant perdu tout repère moral, tout lien avec la société (exemple: le docteur Folamour, en parodie de von Braun, dans le film de Stanley Kubrick, du même nom).  Il veut un pouvoir sans partage. Le savant-fou est avant tout un archétype utilisé en littérature et dans les films, traduisant l’idée de l’homme se prenant pour Dieu au travers des machines qu’il réalise, ou des événements qu’il provoque.
  • Plus prosaïque, plus courant : l’opportuniste. C’est le scientifique attiré par le pouvoir ou l’argent sans pour autant vouloir sortir d’un certain cadre. Il a commencé une carrière consacrée à la science, fait une découverte, est devenu un expert, et s’est trouvé finalement séduit par le prestige, l’argent, et le pouvoir. Il s’arrange avec la réalité, sacrifie son intégrité à la séduction du pouvoir (le sien, ou celui d’un autre, les degrés de corruption sont variables). La vérité scientifique se mêle à ses intérêts, elle devient l’instrument du maintient de son influence.

Au-delà des motivations personnelles des scientifiques par rapport au pouvoir, une citation datant de l’exposition universelle de Chicago de 1933  montre une autre dimension du problème : « La science découvre, l’industrie applique, l’homme suit ». Les scientifiques sont bel et pris dans un paradigme, une façon de penser vieille de plusieurs siècles maintenant, qui leur accorde une certaine liberté de découverte, d’être des pionniers, pour qu’en fait ce soient les industriels, ceux qui appliquent, qui gardent le rôle de transmettre les inventions à la société (pour l’asservissement des individus, ou leur libération, là le scientifique n’a plus vraiment son mot à dire). Un inventeur, un chercheur voulant voir son invention « exister » n’a pas le choix ; tout dépend de la qualité de ses relations avec l’industrie.

Le problème qui se pose donc à toute personne dépendante de la science, est que celle-ci n’est pas neutre. Elle est d’abord en permanence à la recherche d’une application, et ensuite plus généralement, de tous temps, la recherche de la vérité a été sous influence. Il y a influence idéologique, influence culturelle, et puis bien sûr influence financière. Il faut de l’argent pour financer des travaux de recherche, et il faut que ces travaux rapportent aussi de l’argent. Ces influences font que la collusion entre chercheurs et industriels, chercheurs et politiques est possible, et même recherchée. Celle-ci devient particulièrement problématique quand des décisions politiques importantes sont prises sur des bases douteuse, quand des chercheurs intègres, qui veulent avertir sur un danger se retrouvent accusés de manipulation ou de formuler de simples opinions, où quand la société perd totalement confiance en ses chercheurs et finit par douter de tout.

Les exemples de la saga de l’amiante, des perturbateurs endocriniens , ou du réchauffement climatique permettent de dégager certains critères quant à la nécessité de s’interroger sur la capacité de la science à répondre à des questions d’intérêt général.

  • Existence d’une controverse scientifique, dans laquelle des opinions ou des idéologies s’affrontent (exemple du réchauffement climatique, quand Claude Allègre, ancien ministre climato-sceptique parle de « problème religieux« ). Dans ce contexte, tout travail scientifique risquera d’être estampillé comme étant une opinion, et non un fait.
  • Existence d’une controverse, dont les décisions qui pourraient découler menacerait des intérêts politiques ou économiques.
  • Manque de transparence sur les liens entre les chercheurs qui ont publié la majeure partie de résultats et des intérêts en jeu.
  • Promulgation d’une idée, selon laquelle un certain progrès ne doit pas être remis en question, car c’est un « moindre mal ». Industriels et politiciens peuvent être convaincus, et peuvent convaincre des chercheurs qu’une certaine option est un moindre mal (exemple, le DTT dans les années 60).
  • Impossibilité d’obtenir des résultats de recherche indépendants, du fait de moyens insuffisants, de l’absence de chercheurs indépendants, du secret entourant l’objet de recherche, ou d’autres mesures entravant les travaux de recherche . (exemple: le lobby pro-armes aux Etats-Unis a entravé toute recherche sur l’influence de la proliférations des armes sur la criminalité)

Quand plusieurs des conditions ci-dessus sont remplies, il y a fort à parier que la vérité n’émergera pas d’elle-même ; certaines personnes ayant un intérêt très certain à ce que cela n’arrive jamais, ou le plus tard possible. Il faut donc s’interroger sur les blocages, et identifier les intérêts en jeu, c’est à dire chercher à savoir à qui profite la dissimulation de la vérité. Si l’État lui-même n’a pas la volonté d’intervenir, le simple citoyen se retrouve réduit à se faire une opinion lui-même, mesurant la plausibilité de telle ou telle hypothèse, évaluant la crédibilité de chaque intervenant selon sa capacité à se montrer transparent sur ses motivations.

Il existe heureusement un grand nombre de scientifiques intègres, et qui réagissent. Le mouvement March for science, démarré aux USA, et qui s’étend dans de nombreuses villes mondiales en est un exemple,  montrant des scientifiques prêts à défendre leurs principes et leur intégrité, face à un pouvoir politique voulant ramener les faits au rang d’opinions.  Le mouvement n’a pas la même affluence que dans les manifestations de 2017, mais il se structure, et se solidifie. Certains scientifiques sont prêts à être candidats, à entrer dans l’arène politique pour pouvoir peser dans les décisions. Ils ont compris que pour eux, il en va de la confiance en la connaissance, et pour tout un chacun, de sa capacité à ne pas se faire manipuler ; c’est un bien fondamental qu’il faut défendre!

La renaissance du dirigeable?

L’histoire du dirigeable est ancienne, et elle semble définitivement faire partie du passé, tant l’avion et l’hélicoptère dominent les cieux.  Il en reste une certaine iconographie, une nostalgie d’une époque légendaire où voyager lentement en regardant le paysage, c’était quelque chose… C’était l’époque des transatlantiques aux salons luxueux, de l’Orient Express, l’époque où il y avait du rêve dans le voyage.

Pour ce qui est du dirigeable, l’accident du Hindenburg en 1937 eut un grand impact médiatique.  (Ci-contre,  les restes après l’incendie ravageur qui suivit l’explosion, la plupart des victimes étant brûlées par le carburant des moteurs, pas par l’hydrogène, dont les flammes s’élevèrent très vite dans les airs.) Cet accident n’aura été pas plus qu’un symbole,  le déclin du dirigeable étant à cette équoque déjà bien engagé. Vers 1920, les militaires ne s’intéressaient déjà plus à ces vaisseaux que pour des missions de reconnaissance en mer. En 1927, Charles Lindberg traversait l’Atlantique d’une traite. En 1938, la première ligne d’aviation commerciale reliait Berlin et New York.  Les dirigeables étaient trop gros, trop lents, trop fragiles, trop sensibles aux vents et aux tempêtes. Et que de difficultés pour amarrer un dirigeable et le maintenir au sol!

Il y eut bien sûr au cours des décennies suivantes quelques évolutions techniques (nouveau matériaux, nouveaux moteurs), et des poignées de passionnés qui continuèrent à faire tourner une industrie à un niveau très restreint, voire confidentiel. Nouveau revers pour les dirigeables: la malheureuse faillite de l’entreprise allemande « Cargolifter » en 2001, qui déçut bon nombre de ceux qui avaient cru à une renaissance du plus léger que l’air pour le transport de charges lourdes et encombrantes. Cargolifter fût lâché par les potentiels clients, les banques, ainsi que par le Land de Brandebourg, qui refusa de s’engager dansun plan de sauvetage. De Cargolifter, il ne reste près de Berlin  (photo ci-contre) qu’un hangar géant, transformé en paradis tropical.

Et pourtant, on observe peut-être les prémices d’une nouvelle renaissance, la  « n-ième » diront certains, mais qui pourrait cette fois être bien réelle. Des fabricants d’éoliennes ont récemment contacté des représentants de l’industrie du dirigeable pour initier un dialogue au sujet du transport des pales. Les pales d’éoliennes sont en effet de plus en plus grandes, car, pour augmenter la production d’énergie, il faut augmenter la surface aérodynamique (à puissance installée égale, augmenter la taille des pales améliore le rendement de la machine quand le vent est faible). Les constructeurs d’éoliennes sont tous lancés dans une course à la taille, qui est pour eux existentielle. Il y a quelques années, 50 mètres était environ la norme pour une pale, aujourd’hui on approche des 70, voire 80 mètres. Et il devient très difficile de transporter ces objets sur des routes normales. Diviser les pales en deux est faisable techniquement, mais augmente les coûts de production et complexifie le processus de montage. Ainsi donc, la solution ne peut venir que des airs, et celle-ci permettrait également de construire des fermes éoliennes dans des lieux jusqu’à maintenant inaccessibles. Le marché serait sans doute significatif, et la charge de travail prévisible sur plusieurs années, ce qui pourrait achever de convaincre des investisseurs. Dans l’aéronautique, on sait que les projets ont toujours tendance à coûter plus que prévu, un marché solide est donc une garantie qui éviterait qu’une banque refuse de rallonger un crédit à la première difficulté (comme c’est arrivé à Cargolifter).

Deuxième changement qui pourrait favoriser les dirigeables: les drones. Ceux-ci ont une autonomie limitée, qui a peut de chance d’augmenter beaucoup dans les années qui viennent. Si l’on veut opérer une flottille de drones (pour livrer des paquets par exemple), la meilleure idée est de les baser sur une plate-forme elle-même mobile, flottant dans les airs. C’est l’idée d’Amazon, qui a déposé un brevet en ce sens ; le dirigeable devenant à la fois une sorte d’entrepôt volant, et un vaisseau-mère pour la flottille de drones. On ne sait pas encore ce qu’Amazon compte faire, et si des études sérieuses ont vraiment commencé.

Troisième changement, à teneur également technologique: l’amarrage. Les constructeurs de dirigeables actuels ont trouvé un moyen de fixer leurs aéronefs au sol, grâce à des jupes munies d’un dispositif d’aspiration. Ainsi le dirigeable peut se stabiliser n’importe où, pourvu que le sol soit plat : béton, terre, eau, glace. C’est un grand plus pour les capacités opérationnelles.

Entrepôts volants, grues volantes, ce sont là des projets utilitaires plutôt loin de l’utopie originelle du dirigeable flottant majestueusement au-dessus des paysages les plus inaccessibles, tel un paquebot des airs, tandis que ses passagers, attablés à un restaurant panoramique, jettent un coup d’œil au menu de la soirée. Il y a pourtant bien cet engouement nouveau pour les croisières maritimes, suscité par des bateaux toujours plus grands et luxueux. (Une exposition à Londres se concentre sur le romantisme des croisières transocéaniques). Se pourrait-il que cet engouement passe aussi par les airs?

Nucléaire: la fin d’une utopie techno-scientifique

C’était en 1993, ou 1992, je ne sais plus très bien. Avec un groupe d’étudiants, je visitais la centrale nucléaire de Golfech, sur la Garonne. Elle était  à l’époque flambant neuve, impressionnante : deux énormes tranches de 1,3 Gigawatt avec les tours réfrigérantes les plus hautes d’Europe. C’était la promesse de l’indépendance énergétique de la France, de sa souveraineté industrielle, et surtout la promesse d’une énergie abondante, bon marché. Pour un jeune ingénieur comme moi, que de promesses plus convaincantes les une que les autres.

Depuis 1950, l’utopie des bienfaits illimités du nucléaire a été alimentée par de nombreux mythes.  Il y eu d’abord celui de l’ubiquité. Les ingénieurs, les auteurs de science fiction virent tout fonctionner au nucléaire: les voitures, les horloges, les bateaux, les fusées… Tout! Certains ingénieurs de l’aéronautique imaginèrent très sérieusement construire des avions avec des réacteurs à bord. Plus besoin de faire le plein! Puis, puisque le nucléaire sembla finalement devoir se cantonner à la production d’électricité, on se mit à électrifier à tour de bras : en France, le chauffage électrique devint la norme, puisqu’on pensait que le prix de l’électricité resterait ridiculement bas. On négligea que le prix de l’uranium n’est pas forcément stable (il faut importer); que le démantèlement des centrales avait un prix non négligeable (l’Allemagne a déjà fait l’amère expérience du démantèlement de centrales dans l’ex-RDA), et que le stockage des déchets serait une hypothèque prise sur les générations futures.

Un mythe qui contribua très fortement à l’utopie du nucléaire fût également celui du recyclage. On pensa des années durant (preuves scientifiques à l’appui), que l’intégralité des déchets de fission était recyclable, et donc pendant longtemps, la France investit des sommes énormes dans des usines de retraitement, qui n’arrivèrent pourtant jamais à éliminer tous les déchets. Et que fit-on alors des déchets? Ils furent exportés. Les conteneurs rouillent toujours et encore quelque par sur une grande aire de stockage en Sibérie (un jour les Russes auront peut-être l’idée d’aller les couler en mer), et actuellement on essaie de trouver un puits, ou une mine pour le stockage long terme en France.

Dernier mythe du nucléaire, et non des moindres: la séparation entre activités civiles et militaires. Pour faire une bombe il faut de l’uranium enrichi, donc maîtriser la technique de l’enrichissement, et celui qui détient cette technique pour du combustible de centrale peut la développer facilement,  et en quelques années en faire un usage militaire. Voulons-nous donc exporter le modèle français vers tous les pays du monde? Non, sans doute pas. Dans le climat géopolitique actuel, fait de rivalités, de conflits, d’instabilités, la banalisation du nucléaire n’est pas souhaitable.

Et depuis des années, la filière française du nucléaire ne va pas bien. Elle vit même un lent et inéluctable déclin. La nécessité de maîtriser le risque industriel fait augmenter la complexité, fait déraper les coûts (l’on obtient des projets comme l’EPR de Flamanville, ou l’EPR finlandais, qui sont des casse-têtes techniques et des gouffres financiers faramineux). Autre facteur critique : l’endettement de nombreux opérateurs traditionnels, qui ne fait que de se détériorer (que ce soit EDF, empêtré dans des marchés régulés et une internationalisation poussé à outrance, EON, RWE en Allemagne, ENEL en Italie qui ont une santé financière vacillante, ou ESKOM en Afrique du Sud, qui, grevé de dettes, abandonne ses projets dans le nucléaire). De plus, on se demande vraiment qui va devoir (et pouvoir…) payer le démantèlement des centrales ; en France on n’en parle peu (on n’en a d’ailleurs pas encore démantelé une seule) ; en Allemagne, un fond a été créé, mais beaucoup de gens soupçonnent que les sommes mises de côté ne suffiront jamais. Et l’on voit maintenant Areva, l’ex-champion du nucléaire, qui annonce qu’après des années de restructuration, un nouveau changement de cap stratégique est nécessaire : la scission des activités concernant le combustible et la construction de centrales. C’est un retour en arrière qui annonce une fin qui est proche : on se sépare pour mieux survivre…

Finalement deux derniers signes sonnent le glas du nucléaire en France, et sans aucun doute en Europe. D’abord, l’annonce de la construction du réacteur Hinkey Point C en Angleterre, à un prix du kilowatt-heure (garanti à EDF) très largement supérieur au prix normal. Alors que l’on prévoit que le prix de l’électricité éolienne va passer à 3 cents du Kilowatt-heure d’ici à 2020, les consommateurs britanniques, eux, paieront 11 cents pendant trente ans pour de l’électricité nucléaire!  Ensuite, deuxième signe : la politique actuelle du gouvernement français, résolument favorable aux éoliennes, dans un pays, qui pendant des décennies, se voulait le champion de l’énergie atomique. Le tournant a été pris. Il faudra du temps pour que cette politique fasse ses effets, mais on peut parier que dans une dizaine, ou quinzaine d’années,  il sera plus économique de fermer une centrale, plutôt que de la laisser marcher, à cause du coût bien plus bas de l’électricité éolienne ou solaire. Le seul problème : une centrale nucléaire coûte aussi de l’argent quand elle ne marche pas.

L’utopie de l’énergie illimitée à moindre coût va revivre, ce sera avec les énergies renouvelables.